Le nombre des migrants entrés illégalement en Espagne en 2023 a presque doublé : près de 57 000 personnes ont été enregistrées par les autorités, selon des chiffres diffusés mercredi 3 janvier par le gouvernement. Soit un bond de 82,1% par rapport à 2022 (32 000), selon le rapport annuel du ministère de l'Intérieur.
Le chiffre de 57 000 arrivées en Espagne n’est pas un record : en 2018, 64 000 migrants étaient arrivés dans le pays, principale porte d'entrée en Europe avec l'Italie et la Grèce. La raison de cette hausse s'explique par l’explosion des arrivées aux Canaries : en 2023, près de 40 000 migrants ont débarqué dans l’archipel espagnol, du jamais vu. Le chiffre dépasse le précédent record de 2006 - lors de la crise des cayucos - où 31 000 personnes avaient atteint les îles espagnoles. Selon l'ONG espagnole Caminando Fronteras, cette route dangereuse a fait plus de 7800 morts ou disparus entre 2018 et 2022 et plus de 4000 migrants ont été interceptés.
Selon l'agence européenne Frontex, les exilés arrivés dans l’archipel provenaient en particulier du Maroc et du Sénégal mais aussi de Gambie et de Guinée. D'après le ministre espagnol de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, la hausse du nombre des départs s'explique notamment par l'instabilité grandissante dans les États du Sahel. Mais la pauvreté, la raréfaction des ressources halieutiques, l'inflation, la crise économique post-Covid expliquent aussi les nombreux départs depuis le Sénégal. Son président Macky Sall a ordonné en novembre des mesures d'urgence pour endiguer ce flux en pleine expansion.
La traversée vers les Canaries, sur des embarcations de fortune, est une route migratoire extrêmement mortifère - distante de plus de 1 500 km depuis le Sénégal notamment. Selon l'ONG espagnole Caminando Fronteras, qui s'appuie sur des appels d'urgence des clandestins en mer ou de leurs proches, plus de 7 800 migrants sont morts de 2018 à 2022 sur cette route de l'Atlantique.
Baisse des arrivées à Ceuta et Melilla
L’Espagne connait aussi une hausse des arrivées de migrants depuis les côtes nord-africaines. Depuis janvier, plus de 15 000 personnes ont atteint le pays depuis l’Algérie (via l’Andalousie ou les îles Baléares) ou le Maroc, contre 11 699 sur l'ensemble de 2022.
À l'inverse, le nombre des personnes entrées en franchissant les hautes clôtures dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, situées sur la côte nord du Maroc - seules frontières terrestres de l'Union européenne en Afrique - a chuté. Un peu plus de 1 200 migrants ont réussi à passer en Espagne par cette route, soit une baisse d'environ 46%.
Cette chute des arrivées par les enclaves est liée à la normalisation des relations diplomatiques entre l'Espagne et le Maroc depuis 2022 - rendue possible par un revirement espagnol sur le dossier sensible du Sahara occidental. Le royaume chérifien est un partenaire clé de Madrid dans la lutte contre l'immigration clandestine.
Dans ce contexte général, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a salué fin décembre l'accord trouvé par les États de l'UE en vue d'une refonte du système migratoire et d'asile européen qui est, selon lui, "fondamental" pour son pays.
Selon Eurostat, l'Espagne - qui n'est souvent qu'une étape pour ces migrants en provenance d'Afrique - est, derrière l'Allemagne et la France, l'un des trois États de l'UE ayant reçu le plus de demandes d'asile en 2022. S'il a bondi l'an dernier, le nombre des arrivées de migrants en Espagne reste toutefois près de trois fois inférieur à celui enregistré par l'Italie, la première porte d'entrée dans l'UE, d'après Frontex.