Albinisme, abus sexuels, vie amoureuse : les confidences de Mah Khoudia Keita

Mah Khoudia Keita, qui a quitté «Takeifa» en 2018, constate des préjugés favorables sur l'albinisme. "Au Sénégal, on marche lentement derrière, mais, il y a des avancées. Aujourd’hui, nous avons l’audace de parler de notre affection. Avant, on ne parlait pas des albinos. On les voyait dans la rue mendier, certaines se faisaient abuser sexuellement. Personne n’en parlait. La journée du 13 juin, nous aura servi pour communiquer le maximum sur l’albinisme", a-t-elle souligné dans un entretien avec L'OBS. Elle ajoute : "Il faut que ces personnes prennent conscience que l’albinisme n’est pas un handicap, mais juste une affection génétique qu’il faut normaliser."

« Je n’ai jamais senti ma différence »

Mah Khoudia Keita2 pulse senegal

Mais déplore-t-elle, "aujourd’hui, par rapport aux autres pays africains, le Sénégal est très en retard dans la prise en charge des albinos. Il y a des pays comme le Mali où les albinos ont un centre de prise en charge, dans lequel ils disposent de tous les soins. Ils ont Salif Keita avec eux, une très grande figure de la musique. Les autres pays africains posent bien plus d’actions, ils soutiennent les albinos et insistent pour que les personnes atteintes d’albinisme aient accès à certaines fonctions de responsabilité. Ils nous restent beaucoup de travail à faire."

"J'ai vécu des harcèlements ou abus sexuels"

Mah Khoudia Keita4 pulse senegal

Elle révèle qu'aujourd'hui, cent pour cent des femmes atteintes d’albinisme au Sénégal, ont subi des harcèlements ou abus sexuels. "Je l’ai vécu et j’ai juste voulu que cela ne soit pas un traumatisme. Elle raconte : "J'étais à l’université. Celui qui m’a fait vivre ça, n’était pas un Sénégalais. Il venait de la sous-région. Il disait que dans son pays, ils croyaient réellement au fait qu’entretenir des relations sexuelles avec un albinos, permettait de faire fortune et guérissait du Sida. Il me suivait quand j’allais faire cours. C’était très flippant. J’ai dû le menacer pour qu’il arrête de me suivre."

Entretenir des rapports sexuels avec les albinos pour faire fortune ?

A la question de savoir que pense-t-elle de certaines personnes pensent faire fortune en entretenant des rapports sexuels avec les albinos, elle répond : "On le prend très mal au début. C’est à limite inhumain. Mais avec du recul, on comprend que nous sommes en Afrique et que ce n’est pas qu’autour de l’albinisme que des mythes sont construits. On n’est pas les premiers à être victimes de ça."

"Pour nous les albinos, le premier abord d'un homme est la curiosité"

Mah Khoudia Keita pulse senegal

Mah Keita est-elle courtisée par les hommes ? "Oui effectivement c’est le cas, sauf que c’est assez complexe. Il faut savoir que pour des personnes comme nous, le premier abord des hommes, c’est de la curiosité. La plupart de ceux qui nous courtisent, veulent satisfaire cette sorte de curiosité qu’ils développent à notre égard. Histoire de savoir ce que cela fait d’être avec des personnes comme nous", déplore-t-elle. Mais, s'empresse-t-elle de préciser : "je ne pense pas qu’ils soient mus par des sentiments sincères."

Elle poursuit : "Quand j’ai eu 15 ans, j’étais certaine que je n’aurais pas de vie amoureuse. J’avais peur et j’étais convaincue que les garçons n’allaient jamais s’intéresser à moi (...)Tout simplement à cause de mon état, le regard des autres sur moi. Et mieux encore, je n’avais pas de référence devant moi ou un baromètre qui pouvait me permettre de croire que cela aurait pu être possible. Je n’ai vu personne dans ma situation ou qui porte un handicap, s’épanouir sentimentalement. Je me suis toujours dit que je n’aurais jamais cette chance et pour moi, c’était mort. Je n’avais même pas la tête à cela."

"Les hommes sont des touristes, des aventureux par essence"

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"Au fur et à mesure que le temps passe, je vois que les choses changent. Je me pose forcément des questions et je me demande ce qui peut les attirer. Malheureusement, je me rends compte que c’est plus un intérêt malsain, qu’autre chose. À force de fréquenter les hommes, tu finis par connaître leur mentalité. L’homme est un être aventureux par essence. Il est toujours à la recherche de la nouveauté", fait-elle remarquer.

Comment faire la part des choses, à distinguer les véritables intentions des courtisans ? "Je dirais que c’est un langage codé. Ils ne viennent juste pas avec des mots ou des phrases toutes faites qui te font comprendre leurs réelles intentions. Mais, c’est plus des gestes qui parlent bien au-delà des mots. Il y a aussi le rapport qu’ils entretiennent avec toi, comment cela progresse. Celui qui est là et qui veut faire partie de ta vie ou celui qui cherche juste à s’amuser, si tu sais faire preuve de discernement, cela saute aux yeux", soutient-elle. N’empêche, poursuit-il, "il y a des personnes qui te respectent et qui ont de réels sentiments mais, les touristes sont plus nombreux."

"Si ce n’était pas pour les enfants, on aurait pu se passer du mariage"

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Pense-t-elle à se marier, à fonder une famille ? "Il fait prier pour moi. Chaque femme aspire à se marier, à fonder une famille et surtout avoir une descendance pieuse. Des enfants qui vont poursuivre ta mission spirituelle sur terre, lorsque tu ne seras plus de ce monde. Autrement dit, si ce n’était pas pour les enfants, on aurait pu se passer du mariage. Je pense au mariage et ce ne sont pas les propositions qui manquent"