Ce mercredi 19 juin 2024, le camp pénal de Liberté 6 a été le théâtre d’une mutinerie entre les détenus et leurs gardiens. Tout est partie d’une opération de fouille dans les cellules des prisonniers de l’établissement pénitentiaire. Dans cette prison, nombreux sont les détenus qui possèdent un téléphone portable malgré leur interdiction.
Les détenus ont tout filmé les affrontements et mis sur le net, posant du coup la lancinante question de l’utilisation du téléphone portable en milieu carcéral en parfaite violation des règles régissant le fonctionnement des prisons. Par quels moyens, les détenus arrivent à en disposer alors que c'est interdit ? Ils ont accepté de raconter comment le bigot ou le smartphone est entré en prison. Les méthodes confirmées par des proches de prisonniers.
- Les matons qui offrent un téléphone aux détenus appelés « charrettes »
« Sans la complicité d’un garde pénitentiaire, un détenu ne pourra jamais disposer d’un téléphone portable en prison. Puisqu’au moment de notre incarcération, nous venons les mains vides. Avec le maximum de surveillance et un dispositif sécuritaire bien garanti. D’ailleurs, dans notre jargon, ces gardes pénitentiaires qui nous aident à avoir un téléphone portable dans nos cellules sont appelés « les charrettes », explique un détenu de la «Cité Malaw» de Mbour interrogé par L'OBS.
Ibrahima Diop (le nom a été changé ), garde pénitentiaire à la retraite, relativise la complicité des agents. Il dit : « L’introduction du téléphone portable dans le milieu carcéral est une situation très récurrente. On ne peut pas aussi dire qu’il n’y a pas des agents qui cèdent à la tentation de certains détenus leur facilitant l’introduction des téléphones portables. Ce qui est bien possible même si ce sont des cas très rares. Maintenant les agents sont en grande partie bien rémunérés, je ne vois pas pourquoi ils s’adonneraient à de tels actes. Des détenus de confiance peuvent sortir de la prison, même s’ils sont fouillés à la sortie comme à l’entrée de la prison, le plus souvent, ces fouilles ne sont pas minutieuses. Mais il y a aussi des détenus au niveau de la cour et qui aident les surveillants de prison dans certaines tâches. Généralement ces détenus observent la fébrilité de certains agents dans le but d’en profiter pour introduire des téléphones portables ou des produits prohibés. Ils usent de beaucoup d’astuces pour introduire ces appareils dans la prison.»
- La méthode ingénieuse pour cacher son téléphone
Avoir un téléphone est une chose, comment le garder en est une autre. Au Camp pénal de Liberté 6, contrairement à certains de ses codétenus qui ont perdu leurs téléphones portables avant-hier, au moment de la fameuse fouille, un détenu de la chambre 8 a la chance de garder le sien avec lui. « Il y a plusieurs façons pour un détenu bien averti de garder son téléphone portable hors de la portée des gardes pénitentiaires. Même s’il faut reconnaître que c’est grâce à eux que nous avons pu obtenir cet outil de communication. Car, en prison, seul le téléphone portable peut nous permettre d’être en contact avec notre famille. Avant la fouille, quand le problème a commencé à éclater, j’ai bien pris le soin de casser l’un des carreaux de la chambre, avant d’enfouiller minutieusement mon téléphone portable dans le sol. J’ai ensuite replacé le carreau cassé comme si de rien n’était », ironise au bout du fil le détenu de la chambre 8 du Camp pénal.
Il renseigne qu’il arrive que les gardes découvrent, dans un matelas déchiré, un téléphone portable. Là, ils sanctionnent le propriétaire du matelas en question alors qu’il n’est point le propriétaire du téléphone caché dans cet endroit. « Dans ce cas de figure, les gardes pénitentiaires ne chercheront même pas le propriétaire du téléphone portable enfoui dans le matelas, mais plutôt la personne qui se couche sur ce matelas. Du coup, il est sanctionné comme étant le propriétaire de l’appareil », se désole-t-il.