Ibrahima Diagne, 38 ans, a fait partie du convoi de sept camions à être attaqué sur la route entre la frontière nigérienne et burkinabè. Originaire de Thiénaba Seck dans la région de Thiès, Diagne fait le métier de routier depuis 17 ans.
Que s'est-il réellement passé ? "C’était un vendredi 28 avril 2023, nous revenions du Nigeria juste après la fête de la Korité. Notre convoi était composé de 7 camions à bord desquels se trouvaient 21 personnes, deux chauffeurs et un apprenti par camion", raconte-t-il, dans L'Obs. Il ajoute : "Nous transportions pour la plupart des produits alimentaires à livrer au Mali. J’avais par exemple un chargement de piment, d’autres du niébé, du mil, du tamarin…"
Il poursuit : "Nous avions fini de traverser la zone du Niger et venions de rentrer au Burkina où nous avons passé les formalités de transit. Nous avions pris le petit-déjeuner à Dori avant de prendre la route. Nous venions d’aborder un virage près d’une forêt vers les coups de 11 heures lorsque quatre individus sur trois motos nous ont fait nous arrêter. Ils ont fait descendre tous les chauffeurs et les passagers pour nous conduire à l’intérieur de la forêt, loin de la route et des camions".
"Nous enjambions sur des cadavres"
"Nous n’oublierons jamais ce à quoi nous avons été confrontés durant ce trajet dans la forêt : des morts partout. Il y avait tellement de cadavres que nous étions obligés de les enjamber. Nous commencions à avoir l’habitude de ça, mais c’était la première fois que nous ressentions le danger de notre situation", a déclaré Diagne.
Qui poursuit son récit : "On sentait nettement que ces motards en avaient après notre vie. On a vécu là une heure de pur effroi en attendant qu’ils se décident. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais on doit la vie à un coup de fil. L’un d’eux a attrapé un téléphone satellitaire et a passé un appel. A la fin de sa conversation, il a automatiquement proféré des menaces à notre encontre. Je n’oublierai pas ses mots, il nous a dit qu’ils nous tueraient la prochaine fois qu’on mettrait les pieds dans la zone. Ils ont incendié les camions et sont repartis nous laissant là."
A l'en croire, ils étaient quatre terroristes avec des kalachnikovs. Ils parlaient peulh, mais un des quatre s’adressait à nous en français. "Ils nous ont juste avertis de ne plus mettre les pieds dans la zone. Ils nous ont fait cette menace après nous avoir demandé ce qu’on était venu faire parce qu’ils ne nous avaient jamais vus auparavant. On leur a dit que nous avions pourtant l’habitude de passer par là et que jamais, ils ne nous ont créé de problèmes. C’était un moment de pure terreur, honnêtement je me suis vu mourir, j’ai pensé à ma femme, à mes enfants", raconte-t-il.
"Avant de brûler nos camions, ils ont juste emporté des couvertures et des téléphones, ils n’ont pas cherché à prendre l’argent qu’on cache dedans. Ils ne nous ont pas non plus demandé si on avait de l’argent sur nous", souligne Diagne précisant que les terroristes sont repartis les laissant au milieu de cadavres." "Dès qu’ils sont repartis, nous avons pris des photos et vidéos pour documenter notre mésaventure et sommes aussitôt partis."