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"Belliqueuse", "problématique", "philanthrope"... : la face cachée de Tabaski Ngom

Tabaski Ngom, une inspectrice du Trésor sénégalais, anciennement Agent Comptable Particulier (Acp) de la Commission de Régulation du Secteur de l’Énergie (Crse), est citée dans une affaire de détournement de fonds publics. Elle est accusée d’avoir soustrait plus de 734 millions de FCfa des caisses de la Crse entre août et décembre 2024 et dans les caisses de l'APROSI. L'OBS dresse le portrait d'une femme aux deux visages.

Elle est née au coeur du Sine, il y a une quarantaine d'années

Déférée hier, mardi, devant le parquet financier, aux côtés de l’ancien Directeur général de l’Aprosi, Momath Ba, Tabaski Ngom a fait l’objet d’un retour de parquet. Son histoire est celle d’un chemin tracé par une ascension fulgurante, nourrie par un coup du destin et sa propre abnégation à réussir. Car, Tabaski Ngom vient de loin, de très loin, de son village natal : Farar. C’est là-bas, au cœur du Sine, qu’elle voit le jour, il y a une quarantaine d’années, dans la commune de Ndiob, nichée dans le département de Fatick, à dix kilomètres au sud de la région de Diourbel.

Du lycée de Diourbel à l'Ucad

Couverte de l’affection de sa famille, Tabaski Ngom y fait ses premières humanités, ses premiers pas dans le monde des…savoirs. L’entrée en sixième accomplie, elle poursuit sa scolarité au collège Cem T de Diourbel, où elle obtient son brevet de fin d'études moyennes (Bfem). Elle rejoint ensuite le lycée Cheikh Ahmadou Bamba de Diourbel, où elle décroche le baccalauréat en série L en 1998. Orientée vers la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, la jeune Tabaski s’installe à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), le cœur rempli de rêves et les yeux brillants d’espoirs.

Cursus académique sans faute

Là, elle suit des cours de droit avec une détermination sans faille. Après un parcours scolaire exemplaire, Tabara Ngom prend ses marques dans la capitale. Elle s’adapte aux exigences de la vie citadine. Comme toutes les jeunes filles, elle se lie d’amitié avec des camarades d'université, traînant souvent avec elles. Mais, fidèle à ses racines, elle n’oublie ni d’où elle vient ni les raisons profondes qui l’ont conduite à Dakar. «Très réservée, toujours concentrée sur ses études»« Très réservée, toujours concentrée sur ses études » : c’est ainsi que ses anciens camarades se souviennent d’elle.

On l'appelait Madeleine

Dans leur groupe, l’un d’eux se rappelle encore la jeune fille simple qu’il a côtoyée du lycée à l’université. « On l’appelait Madeleine, c’est son nom de baptême. Elle était très sérieuse et travailleuse. Elle était très correcte. On était tout le temps ensemble parce qu’on avait le même groupe de travail, surtout en Terminale », témoigne son ami. À l’université, Tabaski, ou Madeleine pour les intimes, garde le même caractère, la même rigueur.

Après une maitrise en Droit, elle réussit le concours de l'ENA

Son ami poursuit : « A l’université aussi, elle était brillante, elle passait ses examens sans difficultés, jusqu’à l’obtention de sa maîtrise. » Ce diplôme en poche, Tabaski réussit le concours de l’École nationale d’administration (Ena) avec brio. « Elle est restée la fille sérieuse que j’ai connue à Diourbel, une fille sans histoires. Elle était très réservée, toujours concentrée sur ses études, tout en sachant qu’elle était issue d’une famille modeste.»

  «Une femme problématique»

Après sa formation, elle sort de l’Ena comme inspectrice du Trésor. Le monde du travail s’ouvre alors à elle. Comme presque tous les jeunes diplômés, elle commence par le bas de l’échelle. Elle passe au Bureau Opérationnel de Suivi du Plan Sénégal émergent (Pse). Madeleine y rencontre quelques difficultés. Elle n’est pas en odeur de sainteté avec le Directeur général. On la décrit alors comme une femme problématique, bien loin de la jeune fille qui arpentait les rues et ruelles de Diourbel pour se rendre au collège et au lycée. C’est en 2021 qu’elle dépose ses baluchons à l’Aprosi. Là-bas, elle se heurte parfois à certains de ses collègues qui, pour la plupart, ne comprennent pas ses humeurs changeantes.

L’un d’eux témoigne : « Elle venait rarement au bureau, elle disait qu’elle travaillait chez elle. Elle était souvent difficile parce qu’elle était en conflit avec presque tout le monde, le Dg, le Sg. Elle ne s’entendait qu’avec le comptable qui travaillait sous son autorité. Elle avait l’humeur changeante. Elle est très susceptible. Son amitié avec Moustapha Diop date de son premier mariage avec un Colonel des Douanes avec qui elle a eu trois enfants. C’est une personne complexe. »

Elle quitte l'Aprosi

C’est avec ce caractère belliqueux que Tabaski quitte l’Aprosi le 17 avril 2024. Un portrait de Madeleine que son ancien camarade de classe peine à intégrer. «Ce n’est pas la fille que je connais. Tabaski n’est pas du tout belliqueuse. C’est dû à son éducation chrétienne. Elle était calme et joviale. Elle avait toujours le sourire aux lèvres.» C’est après avoir quitté l’Aprosi qu’elle rejoint, en tant qu’agent comptable particulier (Acp), la Commission de Régulation du Secteur de l’Énergie (Crse), jusqu’à son arrestation par la Division des Investigations Criminelles (Dic), il y a quelques jours.. 

«Le social au cœur»

Tabaski Ngom est également connue pour ses actions sociales. Ses proches dressent le portrait d’une femme au cœur généreux. «Après l’Université, on s’est vus une à deux fois, c’était à l’occasion du décès d’une de nos camarades. Cela fait cinq à six ans. L’année dernière, on s’est rencontrés dans son village à l’occasion d’une fête patronale. Elle fait beaucoup de social. J’entends beaucoup de bonnes choses sur elle. Elle partage avec ses parents, ses voisins.»

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